La cuisine des sentiments
Peu connue, pour ses talents d'actrices, Nishino Emi est une pianiste hors pair dont j'ai eu cette chance de la voir accompagner sur scène des artistes comme Reona ou Aimer. C'est donc par pure curiosité que j'ai regardé l'an dernier la première saison de Tsukuritai Onna to Tabetai Onna. Et comme beaucoup, je me suis laissé happer par cette série qui sous ses airs de courtes récréations culinaires, après une journée de bureau harassante, parvient à toucher au cœur, comme à l'esprit. Sa réflexion sur la solitude et les problèmes qui touchent aux genres, de surcroît au Japon, nourrira votre âme et réchauffera votre cœur comme un bon Oden.
La NHK continue inlassablement sa quête de normalité pour la communauté LGBT+ en proposant régulièrement, notamment dans sa case Yorudrama de 22h45 des questions de sociétés. Un horaire qui permet d'aborder des faits majeurs loin du regard des plus jeunes et qui permet également de toucher un grand nombre de personnes. Des étudiants aux retraités, en passant par les célibataires qui croulent sur les heures sup obligatoires et qui se verront, en mangeant seuls leur cup ramen du soir, en miroir face à ce drama. Car avoir un grand nombre de spectateurs devant l'écran devient une gageure aujourd'hui et aborder de tels thèmes, un risque de les faire fuir. Seule, donc, la télévision publique peut prendre ce risque. Maîtrisé quand même, puisque le format de 15min, entouré donc de 3 séquences pub, permet une rentabilité à la japonaise. Un format qui rappelle nos shorts-séries, style "un gars une fille", mais qui sont souvent le miroir de notre société, même sur le ton de l'humour.
L'humour sera très léger ici. Le manga shosei d'origine et son adaptation prennent le parti de la légèreté de l'être, plutôt que celle des propos. Les propos semblaient justement très légers dans la première saison. Avec une apprentie influenceuse culinaire publiant ses plats sur Insta pour tuer l'ennuie. Et comme beaucoup de gents qui publient, pour chercher une reconnaissance de ceux qui les lisent (ben, oui, je parle de moi, encore...). Même si j'adore Higa Manami, la voir cuisiner l'adaptation japonaise du chou-crime, ou du monts-blancs dans un four de chambre d'étudiant, pendant même seulement 15 min, me paraissait insurmontable. Et pourtant la première saison d'uniquement 10 épisodes m'a subjugué au point que j'attendais la suivante, bien plus que celle de Yu Yu Hakusho ou One Piece. Il faut dire qu'on court à l'indigestion d'adaptation de Shonen, sur les plateformes en ce moment.
Car la grâce touche cette série de toutes parts. Si dans la première saison, la relation entre nos deux voisines reste que suggérée, cette nouvelle saison rentre directement dans le sujet de l'amour et de la vie pour les couples LGBT. La série est si bien faite, comme le manga certainement, que tout est en subtilité. Les questionnements sont réels, dans une chronologie qui laisse le temps aux personnages, comme au spectateur de réfléchir. La famille, les amis, les collègues de travail, tous sont interrogés. Ce drama ne se précipite pas, déroule ses propos et ses doutes dans la vie réelle avec réalisme et bienveillance, mais même pour les personnages moins "open". Je pense au père de Kasuga san qui représente tellement le patriarcat à la japonaise, accompagné d'une mère qu'on ne voit jamais, mais qui raisonne comme la petite voix de la société qui demande de se conformer aux règles. Car l'injonction de rentrer à la maison doit se comprendre comme celle de rentrer dans le moule demandé par la société. Hautes études, exploitée au travail, mariage, enfants, femme au foyer. Voilà encore ce qui attend la femme japonaise en 2024. Plus que la préférence de genre, c'est la liberté et l'indépendance des femmes qui font peur aux patriarches et ce drama exacerbe les propos.
Le calme apparent des personnages principaux n'est qu'une façade face au bouillonnement intérieur. Bouillonnement des sentiments étouffés par le regard des autres. Un écrasement dans cet univers qui peut sembler rose bonbon à grands coups de Cup Cake ou de Parfait au chocolat, mais qui transpire la chape sociale. Comme les sourires de façade dans cette boîte de pub trop cool qui ne sont là que pour demander toujours plus d'heures sup en plus à la jeunesse célibataire. Et cette prestation époustouflante de la part de Nishino Emi qui habite ce personnage dont les sentiments sont cadenassés depuis si longtemps.
Seul bémol pour notre pianiste, alors que le drama prône la liberté de choix face aux conventions, il faut souligner le paradoxe. L'auteure originale à chercher quand même à masculiniser son personnage de façon un peu trop grossière. Manutentionnaire, toujours en jogging, ... j'en passe dans le cliché. Mais surtout, on est face à un couple en devenir, où une femme après une longue journée de travail met encore le tablier et regarde amoureusement (comprendre: attendre son "umaï" en récompense comme une caresse pour un chien) sa bien-aimée avaler en deux secondes le bon petit plat qu'elle lui a cuisiné pendant des heures. L'égalité des sexes ne serait pas possible même dans un couple homosexuel ? Pourquoi vouloir reproduire encore une fois ce schéma de soumission, même consenti ?
Mais ne vous y trompez pas. Même dans cette saison, vous apprécierez le temps pris par la série, son calme, ses longs silences et non-dits vous apaiseront de votre journée harassante. Et vous ressortirez une fois de plus grandi, comme après un long moment de méditation prôné par un influenceur basé à Dubaï. Je suis sûr que vous pourrez mettre en pratique dans votre vie les recommandations de ce drama prodigué de manière si subtiles et pas seulement pour faire un Oden dans votre 4m² d'étudiant.
La NHK continue inlassablement sa quête de normalité pour la communauté LGBT+ en proposant régulièrement, notamment dans sa case Yorudrama de 22h45 des questions de sociétés. Un horaire qui permet d'aborder des faits majeurs loin du regard des plus jeunes et qui permet également de toucher un grand nombre de personnes. Des étudiants aux retraités, en passant par les célibataires qui croulent sur les heures sup obligatoires et qui se verront, en mangeant seuls leur cup ramen du soir, en miroir face à ce drama. Car avoir un grand nombre de spectateurs devant l'écran devient une gageure aujourd'hui et aborder de tels thèmes, un risque de les faire fuir. Seule, donc, la télévision publique peut prendre ce risque. Maîtrisé quand même, puisque le format de 15min, entouré donc de 3 séquences pub, permet une rentabilité à la japonaise. Un format qui rappelle nos shorts-séries, style "un gars une fille", mais qui sont souvent le miroir de notre société, même sur le ton de l'humour.
L'humour sera très léger ici. Le manga shosei d'origine et son adaptation prennent le parti de la légèreté de l'être, plutôt que celle des propos. Les propos semblaient justement très légers dans la première saison. Avec une apprentie influenceuse culinaire publiant ses plats sur Insta pour tuer l'ennuie. Et comme beaucoup de gents qui publient, pour chercher une reconnaissance de ceux qui les lisent (ben, oui, je parle de moi, encore...). Même si j'adore Higa Manami, la voir cuisiner l'adaptation japonaise du chou-crime, ou du monts-blancs dans un four de chambre d'étudiant, pendant même seulement 15 min, me paraissait insurmontable. Et pourtant la première saison d'uniquement 10 épisodes m'a subjugué au point que j'attendais la suivante, bien plus que celle de Yu Yu Hakusho ou One Piece. Il faut dire qu'on court à l'indigestion d'adaptation de Shonen, sur les plateformes en ce moment.
Car la grâce touche cette série de toutes parts. Si dans la première saison, la relation entre nos deux voisines reste que suggérée, cette nouvelle saison rentre directement dans le sujet de l'amour et de la vie pour les couples LGBT. La série est si bien faite, comme le manga certainement, que tout est en subtilité. Les questionnements sont réels, dans une chronologie qui laisse le temps aux personnages, comme au spectateur de réfléchir. La famille, les amis, les collègues de travail, tous sont interrogés. Ce drama ne se précipite pas, déroule ses propos et ses doutes dans la vie réelle avec réalisme et bienveillance, mais même pour les personnages moins "open". Je pense au père de Kasuga san qui représente tellement le patriarcat à la japonaise, accompagné d'une mère qu'on ne voit jamais, mais qui raisonne comme la petite voix de la société qui demande de se conformer aux règles. Car l'injonction de rentrer à la maison doit se comprendre comme celle de rentrer dans le moule demandé par la société. Hautes études, exploitée au travail, mariage, enfants, femme au foyer. Voilà encore ce qui attend la femme japonaise en 2024. Plus que la préférence de genre, c'est la liberté et l'indépendance des femmes qui font peur aux patriarches et ce drama exacerbe les propos.
Le calme apparent des personnages principaux n'est qu'une façade face au bouillonnement intérieur. Bouillonnement des sentiments étouffés par le regard des autres. Un écrasement dans cet univers qui peut sembler rose bonbon à grands coups de Cup Cake ou de Parfait au chocolat, mais qui transpire la chape sociale. Comme les sourires de façade dans cette boîte de pub trop cool qui ne sont là que pour demander toujours plus d'heures sup en plus à la jeunesse célibataire. Et cette prestation époustouflante de la part de Nishino Emi qui habite ce personnage dont les sentiments sont cadenassés depuis si longtemps.
Seul bémol pour notre pianiste, alors que le drama prône la liberté de choix face aux conventions, il faut souligner le paradoxe. L'auteure originale à chercher quand même à masculiniser son personnage de façon un peu trop grossière. Manutentionnaire, toujours en jogging, ... j'en passe dans le cliché. Mais surtout, on est face à un couple en devenir, où une femme après une longue journée de travail met encore le tablier et regarde amoureusement (comprendre: attendre son "umaï" en récompense comme une caresse pour un chien) sa bien-aimée avaler en deux secondes le bon petit plat qu'elle lui a cuisiné pendant des heures. L'égalité des sexes ne serait pas possible même dans un couple homosexuel ? Pourquoi vouloir reproduire encore une fois ce schéma de soumission, même consenti ?
Mais ne vous y trompez pas. Même dans cette saison, vous apprécierez le temps pris par la série, son calme, ses longs silences et non-dits vous apaiseront de votre journée harassante. Et vous ressortirez une fois de plus grandi, comme après un long moment de méditation prôné par un influenceur basé à Dubaï. Je suis sûr que vous pourrez mettre en pratique dans votre vie les recommandations de ce drama prodigué de manière si subtiles et pas seulement pour faire un Oden dans votre 4m² d'étudiant.
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